Ce pourrait être l’histoire d’une rencontre qui a failli ne pas se faire, un genre de destin en suspens à la Lelouch. Lors des Aventuriales 2017, j’ai passé le week-end en face du stand de Mü éditions, et Dormeurs d’Emmanuel Quentin m’a instantanément attirée (il faut dire que la couverture de Cédric Poulat est magnifique). J’ai donc lu la quatrième de couv :

Il en est des rêves comme de la vie. Comment les traverser, comment les affronter ? On peut être endormi et se rêver poète, espion, astronaute, plongeur, aventurier, voyageur le long des côtes, sur la route, sombrant dans n’importe quel abîme ou contournant les obstacles.

Dans une société dévastée par une crise économique sans précédent, des « Dormeurs professionnels » ont été sélectionnés pour la richesse structurelle de leurs rêves.


Fredric Jahan est l’un d’eux. Les images de son sommeil, enregistrées à l’aide de capteurs nanotechnologiques pour une clientèle fortunée, caracolent en tête des ventes. Mais un jour, ses rêves, trop réalistes, ne s’enregistrent plus…

Exactement le genre de roman que j’adore. Seulement voilà, il est aisé de se casser la figure avec une histoire comme celle-là. Lectrice échaudée craint l’intrigue froide, j’ai eu peur d’être une fois de plus déçue par un livre mal ficelé et j’ai passé mon chemin.

Quelques mois plus tard, à Grésimaginaire puis aux Aventuriales 2018, j’ai de nouveau été titillée par ce roman, sans le prendre. Finalement, j’ai craqué, début 2019.

Et bien m’en a pris ! Quand je pense que j’aurais pu passer à côté de ce livre… Je présente toutes mes excuses à Emmanuel Quentin et à Mü pour avoir autant douté 😉

Dormeurs est un roman situé au point de rencontre du thriller et de la SF, intelligent, sombre, et qui provoque un certain nombre de questionnements sur notre société actuelle et les dérives qu’elle risque bien d’engendrer dans un avenir proche. La vision de l’univers carcéral, entre autres, m’a fait frémir, tant c’est probablement ce qui nous attend demain ou après-demain.

L’atmosphère est paranoïaque à souhait, l’image qui nous est renvoyée anxiogène au possible. Emmanuel Quentin mêle habilement une réflexion sur les choix d’une société de moins en moins humaniste et une intrigue survoltée dans la plus pure tradition des romans d’anticipation. Il brouille les pistes, jusqu’à que le lecteur ne sache plus où est le rêve, où est la réalité. Fredric Jahan est-il un habile manipulateur ou la victime désemparée qu’il prétend être ? Comment croire les élucubrations d’un dormeur professionnel quand les cadavres s’accumulent dans son sillage ?

Le roman enferme le lecteur dans une bulle oppressante assez proche d’un état onirique, qui bouscule les certitudes. Les ruptures apportées par l’insertion de coupures de journaux, de mails, etc, sont presque les seules bouffées d’oxygène permettant de reprendre contact avec la réalité. Imaginez la fusion réussie de Total Recall, Inception et Platoon et vous obtenez l’ambiance de Dormeurs.

Malgré quelques faiblesses (l’attentat par exemple, qui n’apporte rien au récit) et un certain nombre de coquilles, je ressors enchantée de ce livre.

La rencontre a bien eu lieu et l’alchimie a opéré.

Dormeurs

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